Denis Coret, dirigeant de la PME régionale REP, a toujours intégré la « constante du risque » dans son business model. Pour ce chef d’entreprise, la pandémie demande à repenser notre modèle, vers une économie du mieux, plus frugale. Interview.

En 2005, vous avez racheté la société REP, alors en grande difficulté… Aujourd’hui, la société emploie 35 personnes et réalise 4 millions de chiffre d’affaires. Comment avez-vous réussi à transformer l’essai ?

Par expérience vécue, je sais que tout peut basculer du jour au lendemain, et qu’il n’existe rien de constant, si ce n’est le changement. Après un très grave accident de la route à 25 ans, j’ai dû tout réapprendre. Ma renaissance est aussi associée au rachat de l’entreprise REP, alors en très grande difficulté financière. Comme moi, elle se trouvait « en sursis », n’ayant pas su et pu négocier le virage de la fin des entreprises « métiers » au profit des Business Units. J’y ai vu comme un défi et une opportunité. Dès l’origine, j’ai intégré « la constante du risque et de l’échec » dans ma stratégie, en réfléchissant à diversifier la typologie de clients et à développer la proposition de valeurs, afin de minimiser le risque. Aujourd’hui, REP travaille aussi bien pour les professionnels que les particuliers, et dispose de 3 cœurs de métiers : le nettoyage industriel, les travaux environnementaux ainsi que l’installation et la maintenance de chauffage/ventilation/climatisation. J’ai également misé sur la qualité de service, en m’inspirant des bonnes pratiques des grands groupes. Il me semble essentiel de parler le même langage et d’adopter les mêmes codes dans nos modèles économiques. Bien que simple PME régionale, l’entreprise REP est l’une des premières PME à avoir été certifiée ISO 9001 et ISO 14000  il y a plus de 15 ans. Désormais, nous sommes investis dans une démarche RSE au travers du World Compact ACT et nous avons obtenu l’habilitation sécurité Mase.

Quel regard portez-vous sur cette crise ?

Le 21e siècle est et sera celui de « l’incertitude », et nous sommes aujourd’hui condamnés à vivre dans un environnement volatil et complexe, fondé sur des cycles. Je vois cette crise sanitaire comme « un crash test » pour les entreprises, amenant de vrais questionnements. Mon organisation est-elle adaptée et résiliente ? Puis-je rebondir facilement ? Cette crise nous pousse dans nos retranchements, et nous invite à une véritable introspection personnelle, sans orgueil ni préjugés. L’entreprise est semblable à un satellite qui tourne autour de la planète « économie ». Seule la vitesse maintient son cap, sinon, elle s’effondre. Le confinement a coupé les moteurs, mais d’autres forces invisibles sont alors entrées en action, pour rendre possible l’impensable : le courage, le désir d’entreprendre, l’exemplarité des collaborateurs, la solidarité des clients et celles des fournisseurs…

Que vous a appris ce « grand confinement » ?


La crise sanitaire a magistralement démontré que les métiers utiles sont souvent dévalorisés, parfois même méprisés. C’est un véritable paradoxe !  Or dans la vie, tout est interconnecté : il est temps de remettre en avant ces métiers jusqu’alors décriés, et pourtant essentiels à la bonne marche de la société.

Quelles mesures avez-vous adoptées pour faire face ?

Immédiatement et d’un commun accord, j’ai demandé à mes collaborateurs de  mobiliser leurs congés payés et leur RTT en mars, avant de passer en activité partielle. Dès avril, nous avons organisé des visio-conférences, des WhatsApp qui ont permis de se tisser de nouveaux liens entre les collègues. Comme si, du jour au lendemain, on se redécouvrait sous un nouvel angle, plus humain et amical. Parallèlement, nous avons redémarré quelques petits chantiers assez facilement puisque nous disposions de combinaisons masques et gants, et que nous appliquions déjà des process de sécurité très poussés pour travailler dans des environnements techniques et complexes. Une semaine avant le déconfinement nous avons récupéré 100% de nos chantiers et aujourd’hui, nous tournons à 120%, avec un carnet de commandes plein au moins jusqu’en septembre. Durant cette période de flottement, le Crédit Agricole Aquitaine nous a soutenu et accompagné, notamment grâce aux reports de charges  et la mise en place d’un PGE pour  organiser la reprise.

Quelles est votre vision de l’avenir ?


Nous vivons dans un monde nihiliste, fondé sur un modèle court-termiste, avec de surcroît, une ultra-financialisation de notre planète. Au nom de l’argent roi, les GAFA défient les Etats et se soustraient de tout. Nous devons mettre un peu plus de justesse et de justice dans l’économie. Les paradigmes de l’entreprise changent, et il nous faut créer de la valeur, (re) donner du sens à des métiers qui n’en avaient plus… Si l’on ne prend pas la peine de s’interroger et que l’on repart comme avant, on fonce droit dans les murs démographique, énergétique, écologique et économique puis social et politique, avec à la clé l’enjeu de notre liberté… Nous devons retrouver une sagesse planétaire, l’humilité et vivre avec davantage de frugalité car les crises vont s’accélérer et s’intensifier. Pour s’adapter à cet environnement incertain, les entreprises doivent pouvoir réduire la voilure facilement, avec des structures plus légères, souples, agiles et suffisamment capitalisés. Pour le reste je cite souvent Bergson  : « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire »…

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