Pierre Gramage, vice-bâtonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux, et Alexandre Salas-Gordo, président de l’ordre des experts-comptables d’Aquitaine, évoquent les évolutions de leur métier liées à l’intelligence artificielle. Déjà présente dans notre quotidien selon eux, elle n’est que le reflet de ce que veut en faire l’homme : elle peut améliorer le quotidien, notamment dans la recherche documentaire et le traitement automatisé des données.

Plus un service se vulgarise, plus il perd de sa valeur, il faut alors soit l’industrialiser pour gagner en volume, soit faire du sur mesure. Voici le constat tiré par Pierre Gramage : « Nous, les avocats, on s’adapte à l’intelligence artificielle. Une partie d’entre nous la refuse aussi c’est vrai mais l’idée est de gagner en efficience sans que l’humain ne disparaisse. » Concrètement, être plus juste, plus pointu dans la réponse donnée à une problématique de justice. Grâce à des logiciels ou à des algorithmes, l’avocat va plus vite dans sa recherche documentaire plutôt que d’ouvrir un nombre conséquent de livres. C’est aussi autant d’heures en moins à facturer pour le client. Même son de cloche pour Alexandre Salas-Gordo pour qui « refuser la révolution numérique reviendrait à être submergé par ses mauvais côtés uniquement. »

Des logiciels qui transforment le quotidien des professionnels

Parmi les logiciels créés, celui par les éditions Lefebvre chiffre, au vu de la jurisprudence, les chances de gagner un procès. « Si j’ai des chances assez faibles, je serais plus enclin à négocier à l’amiable. Où est l’utilité d’une procédure longue si c’est pour perdre à la fin ? » s’interroge Pierre Gramage. Pour les experts-comptables, le gain de temps du tra itement automatisé des données leur permet de les analyser plus en profondeur et de conseiller précisément les entreprises. Autre enjeu pour les années futures, « être la courroie de transmission qui fiabilise et sécurise ce flux de données entre le client, l’administration fiscale et les banques » précise Alexandre Salas-Gordo. C’est d’ailleurs le thème du prochain congrès national en 2019 à Paris des experts-comptables : « l’expert-comptable au cœur des flux de données. »

Garder le contrôle sur ces nouvelles technologies…

Autre outil, un algorithme détecte lors d’une revue d’un contrat ce qui est contraire à la loi ou les redondances. Là où le bât blesse, de l’aveu même du vice-bâtonnier, c’est concernant la justice prédictive ou prévisionnelle. Le calcul portant sur la fréquence des décisions des tribunaux devrait permettre de dégager des algorithmes mesurant les risques d’une procédure. Quantifier le risque juridique permettrait de désengorger les juridictions et un traitement de masse des dossiers libérant les professionnels de la réalisation de tâches bien trop souvent répétitives. « Elle est controversée, selon comment la machine est programmée, cela peut être dangereux. Il y a aussi un risque de nivellement des décisions. Un juge peut aller voir les décisions des autres et se calquer dessus, il y a moins de créativité. »

Et prendre du recul sur ces nouvelles technologies

L’homme reste le maître de la machine, « il faut remettre l’intelligence artificielle à sa place » assène Pierre Gramage. « Il y a peu d’impact en justice sauf pour la recherche documentaire. » Du côté des experts-comptables, Alexandre Salas-Gordo constate que les réflexes « d’il y a cinq ans où l’on se protégeait de l’intelligence artificielle s’atténuent. Il y a de moins en moins de récalcitrants. » Il reconnaît que sur les 120.000 collaborateurs de sa corporation, « un tiers ou la moitié peuvent voir leur emploi potentiellement menacé » mais rappelle aussi tout l’enjeu de « se former aux nouveaux outils pour s’en servir. » L’intelligence humaine prévaudra toujours sur celle artificielle.

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