Jacques Dubern, producteur de muguet à Martillac (33) se souviendra longtemps de l’année 2020… A 74 ans, il espérait prendre enfin une retraite bien méritée. C’était sans compter sur le Covid-19 qui a contrecarré ses plans…

L’année 2020 s’annonçait sous les meilleures auspices pour les producteurs de muguet. L’excellente météo du mois de mars laissait présager une récolte précoce et exceptionnelle. Avant que ne survienne le coup de massue. Face à la pandémie, les fleuristes, comme les autres magasins, ont fait les frais d’une fermeture administrative. Pire, la crise sanitaire a interdit la traditionnelle vente à la sauvette du 1er mai, les brins porte-bonheur ne pouvant être vendus que dans les boulangeries, ou les bureaux de tabac… Un vrai désastre, car chaque année, les petites clochettes représentent un chiffre d’affaires officiel de 20 à 30 millions d’euros par an*.

Producteur de muguet depuis 1958


Pour Jacques Dubern, 74 ans, la pilule a du mal à passer. Lui qui pensait prendre une retraite bien méritée après cette ultime récolte, se voit confronté à une crise inédite. Du jamais vu en 60 ans de carrière. « Chez nous, cultiver le muguet est une tradition familiale que l’on perpétue depuis 1958, date à laquelle mes grands-parents ont vendu leurs brins au marché aux fleurs à Paris. Aujourd’hui, je dispose d’environ 2 hectares de muguet de Hollande, une variété très productive. » Une variété exigeante aussi, car le muguet ne donne des clochettes qu’au bout de 2 ans, et demande beaucoup de main d’œuvre pour la préparation des plants, la plantation brin par brin tous les 6 cm ou encore la récolte…

Pas une seule commande au 15 avril…

Malgré les incertitudes liées au covid-19, Jacques Dubern a tenu à préparer ses serres afin de protéger les brins de la gelée et du soleil. « Au 15 avril, sur la centaine de clients, principalement des fleuristes et des grossistes, je n’avais pas une seule commande, se souvient-il. Les serres croulaient sous les clochettes, et les 3/4 des brins sont restés sur pied, faute de circuits de vente. » Au final, le producteur n’a cueilli que 20 % de sa production, en faisant appel à une main d’œuvre de proximité, principalement des personnes qui souhaitaient travailler pendant le confinement…

6.000 bouquets vendus


En plein marasme sanitaire,  Jacques Dubern a tout de même reçu le soutien du Crédit Agricole Aquitaine qui lui a acheté du muguet dans le cadre de son opération solidaire « Un brin de bonheur pour notre territoire ». « Ce dispositif a permis de sauver une partie de la production puisque, j’ai pu vendre 6.000 pots et bouquets, pour un chiffre d’affaires d’environ 10.000 €, , confie Jacques Dubern. Alors, oui, la démarche du Crédit Agricole Aquitaine a été une vraie bouffée d’oxygène, mais soyons clair, j’évalue mes pertes de chiffre d’affaires à plus de 100.000 €. »
Cette année, le muguet n’aura donc pas porté bonheur aux producteurs et aux fleuristes, comme le veut la tradition… Pour la petite anecdote, cette coutume remonte à la Renaissance : le 1er mai 1561, le roi Charles IX a décidé d’offrir aux dames de la cour quelques brins de muguet, symbole du printemps chez les Celtes. La tradition venait de naître…

* selon la fédération des maraîchers nantais, une région où pousse plus de 80 % du muguet vendu en France. En incluant les vendeurs à la sauvette, le marché du muguet est estimé à plus de 100 millions d’euros.

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